Appel à contributions - Neutralité religieuse - nécessité et limites d'un concept central pour l’enseignement en matière de religion // Religious neutrality - necessity and limits of a central concept for religious education

2024-10-07

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La neutralité religieuse est un concept souvent utilisé pour décrire une certaine relation juridique entre l'État et la religion. Cela signifie par exemple qu'un État ne privilégie aucune religion et que la liberté de conscience et de croyance est garantie pour ses citoyen×ne·s. La manière dont ce concept est interprété et la définition de la relation entre l'État et la religion qui en découle font régulièrement l'objet de débats et diffèrent d'un État à l'autre, sans pour autant être toujours réglées de manière uniforme au sein de chaque État. Une telle relation détermine également l'orientation de l'enseignement obligatoire à l'école publique. En règle générale, il est exigé que celui-ci soit neutre sur le plan religieux. Un jugement de la Cour européenne des droits de l'homme ajoute qu'un enseignement qui s'adresse à tous les élèves doit être objectif, critique et pluraliste.

En Suisse, le débat sur la neutralité religieuse de l'école et des enseignant·e·s a pris une importance grandissante avec l'introduction dans l’enseignement public de formes obligatoires d'enseignement en matière de religion, comme « Religion und Kultur » dans le Plan d'études zurichois de 2010, « Ethik, Religionen, Gemeinschaft » dans le Lehrplan 21 de Suisse alémanique ou « Éthique et cultures religieuses » dans le Plan d'études romand. En effet, dans l'article de la Constitution fédérale garantissant la « liberté de  conscience et de croyance » (art. 15), il est interdit à l'État de contraindre quelqu'un à suivre tout « enseignement religieux ». L'enseignement en matière de religion à l'école obligatoire ne peut donc pas être confié à des autorités religieuses ni organisé de manière confessionnelle, et il doit pouvoir être qualifié de « religieusement neutre » pour garantir la liberté religieuse (Frank, 2018).

Mais qu’entend-on exactement par cette notion de « neutralité » ? Qu’englobe-t-elle et qu’implique-t-elle concrètement en matière de préoccupations didactiques et pédagogiques ? Cela reste un important sujet de discussion et il est temps d'approfondir le débat sur cette « neutralité » par rapport au droit, à l'école, aux enseignant×e×s et en particulier à la didactique et la pédagogie. En tenant compte des discussions scientifiques actuelles sur le fait que toute recherche sur les religions est toujours liée à un point de vue et ne peut donc pas être absolument neutre, la question fondamentale est de savoir si la « neutralité » est un concept qui peut (encore) être fructueux pour un enseignement en matière de religion.

À cet égard, les questions suivantes méritent d’être posées :

  • D’un point de vue historique, comment faut-il par exemple comprendre le fait qu’en Suisse alémanique, le Lehrplan 21 comporte des positions apparemment contradictoires (l’école y étant présentée comme à la fois fondée sur des valeurs chrétiennes et neutre par rapport aux religions et aux confessions). Comment faut-il interpréter pratiquement cette position ?
  • Quelle culture scolaire peut-on déduire du postulat de la neutralité religieuse ? Doit-il s’agir d’une absence de religion dans le quotidien scolaire ou d’une représentation équilibrée des différentes religions ? Qu'est-ce qui est légitime et qu'est-ce qui est socialement approprié ?
  • Quel rapport la neutralité religieuse doit-elle entretenir avec la normativité de l'éducation?
  • Que signifie cette « neutralité » pour les disciplines scolaires traitant des questions religieuses ? Une neutralité particulière s'applique-t-elle ici ? En quoi consiste-t-elle et comment s'exprime-t-elle ? Quelles sont ses limites disciplinaires et pédagogiques ?
  • Comment la neutralité peut-elle et doit-elle s'exprimer chez les enseignant×e×s ? Dans le choix des objets d'apprentissage, dans leur mise en scène, dans le choix des objectifs d'apprentissage, dans le langage ? Où cette neutralité constitue-t-elle un soutien à la pédagogie, et où devient-elle problématique, voire gênante pour l'apprentissage et le développement des élèves ? Peut-il parfois être nécessaire pour les enseignant×e×s d'abandonner cette neutralité religieuse et de prendre position ?
  • Et enfin : le terme de « neutralité », issu en premier lieu du domaine juridique, peut-il être appliqué de manière adéquate à des notions discutées dans les domaines de la didactique et de la pédagogie?

Nous nous réjouissons de recevoir toutes les contributions traitant de ces questions et de toutes les autres discussions relatives à la neutralité religieuse – que ce soit sur le plan conceptuel, empirique ou en mettant l'accent sur l'enseignement.


La date limite de soumission est le 28 février 2025.


Comme toujours, nous acceptons également volontiers, jusqu'à cette date, des contributions qui ne se rapportent pas aux thèmes susmentionnés.

 

Religious neutrality - necessity and limits of a central concept for religious education

Religious neutrality is a frequently used concept to describe a certain legal relationship between the state and religion. It means, for example, that a state does not favour any religion and that it guarantees its citizens freedom of thought, conscience, and religion. How this is interpreted in detail and how the relationship between state and religion is defined is the subject of constant debate and differs from state to state and is not uniformly regulated even within individual states. Such a relationship also determines the orientation of mandatory religious education in primary schools. As a rule, it is required to be religiously neutral. A recent judgement by the European Court of Human Rights adds that lessons aimed at all pupils should strive to be objective, critical and pluralistic.


In Switzerland, the discussion about the religious neutrality of schools and teachers has become central with the introduction of mandatory forms of religious education or education concerning religions, such as ‘Religion and Culture’ in the 2010 Zurich curriculum, ‘Ethics, Religions, Community’ in the Swiss German Lehrplan 21 or ‘Éthique et culture religieuse’ in the Plan d'études romand. Indeed, the Federal Constitution article which guarantees ‘freedom of religion and conscience’ (Art. 15) prohibits the state from compelling anyone to attend any “religious education”. Mandatory religious education or education on religions in the public school system can therefore not be organised by any religious authority or on a denominational basis, and must be ‘religiously neutral’ as a guarantee of religious freedom (Frank, 2018).


However, what this neutrality exactly means, what it encompasses and whether it can help define didactic and pedagogical concerns remains debatable and it is time to deepen the discussion on neutrality at the levels of law, school, teachers, and in particular didactics and pedagogy. Considering the current academic opinion that all religious research is always based on a particular point of view and therefore cannot be fully neutral, the fundamental question arises as to whether ‘neutrality’ is a concept that is (still) fruitful for religious education.


The following questions merit renewed consideration:

  • From a historical point of view, for instance, how should we understand the fact that the Swiss German Lehrplan 21 ascribes seemingly contradictory foundational values to the school system (Christian values vs. religious and denominational neutrality). How should this be interpreted in practice?
  • What school culture can be derived from the postulate of religious neutrality? Does this neutrality mean an absence of religion in everyday school life or a balanced representation of different religions? What is lawful and what is socially appropriate?
  • How should religious neutrality be considered in relation to normativity of education?
  • What does this neutrality mean for religion-related school subjects? Does a special neutrality apply here? What does it achieve and how is it expressed? What are its limits in terms of subject and educational theory?
  • How can and should neutrality be expressed among teachers? In the selection of study material, in its staging, in the choice of learning objectives, in the language? Where does neutrality support pedagogical action and where does it become questionable or even a hindrance to the students’ learning and development? Where does it perhaps even become a duty to abandon the neutral position and take a stand?
  • And finally: Can the term ‘neutrality’, which primarily stems from legal discourse, adequately describe what needs to be addressed from a didactic and pedagogical perspective?

We welcome all contributions that deal with these and all other questions relating to religious neutrality - whether conceptually, empirically or with a focus on teaching.


The deadline for submissions is 28 February 2025.


As always, we are also happy to accept contributions that do not relate to the above-mentioned topics with the same deadline.